Redécouverte de la Compile 6
“Cet été, tu ranges ton bordel”. Un fucking sweet moment1, on ne sait jamais comment ça va commencer. Cette année, ça a commencé comme ça. La quarant(a)ine rugissante, il faut vider les vieux cartons et l’émotion nous gagne quand on se remet en mains l’album Panini Foot 91, les petites voitures Majorette (ou les quelques Hot Wheels qui changent de couleur avec la chaleur, la classe) et les cassettes audio. Ou K7 car on a inventé le swag.
Et dans ce merdier, un boîtier à la jaquette imprimée maison sort du lot : Compil 6. Le titre témoigne d’un temps où le nombre de compiles produites attaquaient à peine les doigts de la 2ème main, et où on n’avait pas encore décidé d’écrire ça “compile” avec un e à la fin pour montrer que le mot est terminé. On a déroulé de la bande, du seau de CD-R et de la fibre optique depuis.
Plan de travail
Dans le temps — t’as pas connu toi — une compile commençait par une visite au Supermarché2. Pendant que les parents remplissaient le caddie, ton protocole était bien rodé. Tu t’arrêtais à la section Presse/Hi-fi et, une fois France Football et Guitar Part feuilletés et assimilés, tu allais choisir un modèle de K7.
Bon, Sony, ça va sans dire. T’as tenté le low-cost et on ne t’y reprendra plus. Et puis des UX 90. Les UX-S cest quand même cher mais les HF transparentes, non. Plus tard, bien sûr, tu finiras avec des HF 60 mais il faut bien que jeunesse se fasse3.
Le contenant, c’est bon. Reste à choisir le contenu. L’urgence et la géographie des lieux vont jouer. Tu commences par les CD empruntés aux copains, parce que faut les rendre demain, promis juré. Puis les CD de la frangine. Avant qu’elle ne rentre du lycée. On fait le tri dans les trucs enregistrés à la radio, et dans sa collection naissante de CD. Enfin, vite, aller piocher dans la chambre du frangin. Il rentrera vite et faut pas se faire choper4.
Analyse de l’objet
Le boîtier est orphelin, pas de K7 dedans. Mais les titres ont été imprimés, raturés, remplacés. Le design n’est pas inintéressant.
On commence bien sûr par le nom de la boîte de production, qui n’a bien sûr jamais été enregistrée au tribunal de commerce et a changé de nom à chaque compile. Sur cette version, l’auteur a choisi son propre nom, dans une version anglicisée avec une faute pour deux mots, joli. Une typeface différente pour chaque lettre : une faute de goût assez classique, sans doute inspirée par Never Mind the Bollocks des Sex Pistols, mais la K7 finit par ressembler à une lettre de demande de rançon. Peut mieux faire.
On a ensuite les cliparts et les effets de composition que proposaient Microsoft Publisher à l’époque. À gauche, nous avons l’homme qui crie, incontournable, on est des rockers après tout. Puis le titre de la compile avec une typeface dite courier qu’on remplacerait sans doute aujourd’hui par TT2020 mais passons. Un effet “scotch déchiré” du plus bel effet. À droite, enfin, Albert Einstein. C’est embarassant et inexplicable mais avouez qu’il a une bonne tête ce vieux Bébert, non ?
Les petits ornements typographiques pour séparer les faces A et B, et on revient à un bon Times New Roman italique pour les titres, qu’on passe en gras pour l’artiste. C’est pas si mal.
La playlist
À vue de pif, on doit être vers fin 95, début 96. 25 ans plus tard, on a oublié des titres, à bon ou mauvais escient. Mais globalement, on a toujours les mêmes goûts. Et on a dû passer 25 piges à refaire les mêmes compiles, avec un goût certain de la répétition. Ça doit être ça qu’est bon finalement.
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Pour ceux qui ne connaissent pas la chanson de The Livingstones I Presume, une version live de Fucking Sweet Moments est disponible ici. ↩
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Moi c’était le Leclerc de Kergaradec. Et toi ? ↩
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Les nostalgiques trouveront délicieux l’inventaire des boîtes présentes sur le site vintagecassettes.com. ↩
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Une des premières scènes du film Mid90s, de Jonah Hill, décrit ce moment comme s’il m’avait espionné, l’ultra-violence du frangin en moins car on n’est pas des sauvages non plus. ↩